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Pauline Lavogez

RESIDENCE


Pauline Lavogez


19 > 23 juin 2023


"NI REGRET NI OUBLI"

Solo tout terrain


Comment s’attaquer ce qui est dissimulé ? Montrer ce qui n’a pas de corps ? Déconstruire ce qui n’a pas de forme ?

Comment rendre le poids plus léger ? Maitriser une force vertigineuse ? Vaincre l’empêchement ?

Comment rendre visible la porosité entre un état intérieur et un état extérieur ? Entre le physique et psychique ? Entre l’intention et l’interprétation ?

Comment des phénomènes supposés intérieurs se traitent matériellement ? Comment toucher l’affect ? Figer un sentiment ?

Comment dé.montrer la capacité, re.donner du pouvoir et ré.parer la puissance des corps que l’on humilie ?

N’ont-ils d’autres choix que d’argumenter ? se défendre ? s’autoproclamer ?

Pauline lavogez


Pour son premier solo, Pauline Lavogez entre en scène comme on va au combat. Mais quelle est sa lutte ? L’ambigu traverse la salle, à mesure qu’elle enduit son corps de ce qu’on devine une huile, le long de deux bancs qui encadrent un carré lumineux au centre de la salle. Une arène introspective ? Un rite initiatique, pour sa première en tant que chorégraphe et interprète ?

Le combat s’engage. L’interprète entre sur le ring, mais à la violence attendue des coups se substitue celle du regard. Il est peut- être destiné au public, ou à d’autres avant nous. S’engage ce qui semble être une parade nuptiale en négatif, des lames affectives - abattement, colère, désir, colère - sous la forme de pressions et ux qui traversent invisibles le corps de la danseuse. L’envers d’une séduction. Le ring l’attire, la happe, sape l’énergie de la danseuse, la recrache. Elle revient. Encore. Elle ne faiblit pas. S’irrigue même comme ce tapis qui se macule de sa sueur, l’eau dont elle s’hydrate et s’arrose, la colophane qu’elle concasse au sol. La salle entière crisse. Et elle y revient. Encore.

Pauline Lavogez est plasticienne autant que chorégraphe. Sa pratique cantonne le matériel au strict nécessaire sensible. Dans Fusions Froides, sa première monographie, la succession d’une brume, d’une odeur, d’un panier de pommes, suffisaient à générer le sentiment d’un souvenir et d’une violence larvée. Elle ne transfigure pas la matière, mais en laisse plutôt ruisseler l’intime. Sur scène, le geste semble ainsi presque figuratif, mais évoque - au sens de “faire apparaître” comme à celui qui touche au souvenir - plutôt qu’il ne démontre. Lorsqu’en n la danseuse s’arrête, le regard peut se détacher d’elle et courir alentour. Le plateau est maculé : il vibre d’une lutte qui n’attend que la reprise.

Mais quelle est cette lutte ? Elle est peut-être celle d’une déception amoureuse ou d’une déception sociétale ou d’une rage d’exister en tant que soi ou en tant que plusieurs, elle est peut-être l’expression individuelle ou collective d’un dégoût et d’un “trop c’est trop”, d’une colère que l’on cantonnerait à l’intime alors qu’elle est politique. C’est une lutte du regard et c’est d’une lutte de l’espace, c’est une guerre où l’on ne meurt que d’un côté. C’est une guerre en tout cas qu’elles n’abandonneront pas.


NI REGRET NI OUBLI est un solo de danse où Pauline Lavogez est elle-même et toutes les autres. “A partir de quel nombre plusieurs filles ne sont-elles pas toutes seules ?”1 demandaient des militantes il y a presque cinquante ans. Elles n’auront plus jamais à l’être, leur répond-on désormais.

Samuel Belfond, auteur et critique d’art, juin 21

1 COLLECTIF, Le livre de l’oppression des femmes, Paris, Pierre Belfond, 1972


Pauline Lavogez (1991) est diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2015 et du Master EXERCE en recherche chorégraphique à l’Institut Chorégraphique International, CCN, Montpellier en 2022. Sa pratique artistique interroge le sensible sous toutes ses formes à travers des pièces hybrides au sein desquelles processus performatif et vidéo sont intimement liés.

Pauline Lavogez explore les promesses du corps, entre attrait et domination. De la complexité d’être ensemble ou de se détacher de l’autre, Pauline Lavogez performe, met en image les rapprochements, frottements et mouvements des corps, souvent nus, désirés et désirants de se réinventer. En milieu urbain ou naturel, oscillant entre lenteur et violence, l’artiste capte des souvenirs intimes ainsi que des gestes tels images qui nous échappent malgré nous.

Des expositions personnelles lui ont été consacrées à la galerie Mélanie Rio (Nantes) et au Wonder/Zénith (Nanterre) en 2020, à la Galerie du Crous en 2018 et à l’ENSBA (Paris) en 2015. En 2011, elle est lauréate du Prix Icart, en 2013 du Prix Thaddaeus Ropac / Amis des Beaux-Arts de Paris et du Prix Demandolx- Dedons / Amis des Beaux-Arts de Paris. En 2020, elle est naliste des Talents Contemporains Fondation Schneider et lauréate du prix Host Call (Nantes).




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