Résidence
10 > 16 juillet 2025
« Ils nous veulent sans mémoire »
Ce projet prend place à l’endroit où les politiques de représentation, en tant que stratégies basées sur la seule notion de visibilité, s’agglutinent sur l’œil et nous rabattent dans des structures de pouvoir. Ce sont des stratégies d’assimilation et non de libération qui présupposent l’adoption de comportements, de désirs et de pensées compatibles avec le statu quo. Une telle soumission au champ visuel nécessite en effet d’admettre la transparence comme condition de la subjectivité, c’est-à-dire que la lisibilité du sujet suppose son authenticité et l’authentification d’une identité sociale cohérente devient un pré-requis pour accéder à une forme de mobilité sociale et politique. En réalité, l’extrême lisibilité est une injonction de l’extrême capitalisme, l’idéalisation d’une consommation sans friction. Et la transparence – un processus d’homogénéisation – agit comme une annulation du sensible. Un processus qui produit des sujets lisibles, datifiés, dépolitisés, ouverts au contrôle, à la commercialisation et à l’anticipation. Autrement dit, l’œil est du pouvoir et la violence surplombe le domaine du perceptible. Résister àsa propre lisibilité est donc une stratégie pour faire trébucher le dispositif oculaire. Non, l’art ne changera pas le monde mais il peut agir en perturbateur pour gêner l’acte de voir.
Notre fil rouge, de pièce en pièce, est celui d’une tentative pour donner matière à un corps affecté il y eut d’abord un corps en colère (solo) puis un corps qui n’en peut plus (solo) il faudra ensuite des corps rendus illisibles dans leurs gestes de contre-violence (trio) .
Un trio pour tirer le sujet vers la multiplicité, pour une pratique commune du soulèvement, un trio pour faire de la mémoire une méthode, pour travailler la chorégraphie comme une structure spécifique de lutte, un trio pour une danse qui s’impose en obstacle à l’œil, un trio pour créer un corps volumineux, un retentissement dans l’espace, un trio pour organiser le retour rouge des révoltes, pour créer une image irrésistible du soulèvement, le désir de recommencer, un trio pour organiser un bouleversement de situations, pour créer une pièce sur le mode de la riposte.
REPERES
Lola & Nora Kervroëdan sont la compagnie OAK
Lola est interprète et chorégraphe. Après des études au Conservatoire National Supérieur de danse de Paris, elle est, depuis 2011, interprète pour plusieurs compagnies de styles très différents allant de la danse contemporaine au hip-hop au théâtre aux marionnettes au cirque. Elle cherche des projets toujours différents pour se challenger et se nourrir de multiples formes d’écritures chorégraphiques et de nouveaux modes d’expression.
Nora est écrivaine. Elle est titulaire de trois masters, en études de genre, littérature comparée et création littéraire. En 2019, elle publie son premier livre, Les filles d’Artaud / Le rire des hystériques. Elle travaille actuellement à l’écriture d’un second livre sur l’étreinte/l’émeute, une étude poétique et politique du toucher dans un contexte capitaliste.